Entraînement et Intelligence Artificielle #IA : un cas pratique
Par Charles-Elie MONIERUn sportif amateur, Clément, relève un défi : améliorer ses performances cyclistes en deux mois, guidé par une Intelligence Artificielle (IA). Son histoire permet d’aborder l’IA qui est à présent omniprésente dans notre société.
L’IA n’est pas magique : c’est un outil qui aide un entraîneur, mais ne remplacera jamais totalement l’expertise humaine d’un entraîneur du fait de la multitudes de sources d’informations que nous devons capter pour ajuster nos propositions. D’ailleurs, elle ne sera pas en capacité non plus de créer de nouvelles méthodes d’entraînement validées scientifiquement seule.
Envie de comprendre pourquoi ? Découvrez-le à travers cet article !
L’IA, qu’est ce que c’est ?
Et oui, il y a de l’IA partout maintenant, et plus précisément, de l’IA qui utilise du Machine Learning ou du DeepLearning (cocorico) comme ChatGPT, Midjourney, Conversica , … Tout ces processus permettent de prémâcher ou finaliser une tâche humaine s’ ils sont correctement utilisés. Par exemple, chez les fournisseurs téléphonie/internet, les systèmes de Chat permettent de s’assurer que l’utilisateur à déjà appliqué les recommandations du manuel utilisateur avant d’appeler le technicien. On utilisera ici l’IA pour désigner ces processus.
Il existe autant de modèles d’IA que de vélos, vous pouvez même créer le vôtre si vous le souhaitez. Ces modèles peuvent vous servir pour vous aider à corriger du texte, à générer des images, à résoudre des problèmes plus ou moins complexes, … etc. Mais aussi pour accompagner vos entraînements !
Comment marche l’IA ? Grossièrement, on cumule des milliers d’informations spécifiques (dataset) qu’on confronte à des tests dont nous connaissons déjà les réponses. On entraîne donc un processus informatique. Lors du test, si l’IA trouve la bonne réponse, elle gagne une récompense, sinon elle recommence en s’ajustant pour donner la réponse attendue. Une fois entraînée, on peut l’utiliser.
Plus on l’entraîne finement avec des données très riches et variées mais plus spécifiques, plus elle est “fiable”. L’apprentissage est donc supervisé par l’Homme et fonctionne comme un cerveau qu’on forme à l’école, on élimine les mauvaises réponses et on garde que les bonnes.
Attention, ce qui est vrai aujourd’hui, ne le sera peut-être pas demain. L’IA répond donc en fonction de ce que pense l’Homme à ce jour. Une IA du Moyen Âge conseillera de faire une saignée pour traiter médicalement un peu tout et “équilibrer les humeurs corporelles” alors qu’aujourd’hui, on utilise d’autres méthodes moins dangereuses et largement plus efficaces.
Cas Pratique : Témoignage en vidéo
Une fois le contexte posé, nous pouvons prendre le temps d’étudier un cas particulier et décomposer ensemble ce témoignage paru sur la chaîne française spécialisée en cyclisme traditionnel, GCN. Le concept, faire tester l’entraînement dirigé par l’IA à une personne aléatoire dans l’audience, ici, Clément.
Le sportif concerné
Clément est un homme de 36 ans, ingénieur avec des enfants. Il est “sportif complètement amateur” combinant “un peu de vélo, un peu de rugby, un peu de course à pied”. Il pratique cependant “depuis tout jeune” et a toujours fait du vélo plaisir sans avoir jamais fait d’entrainements. Il a des objectifs de vie et des objectifs professionnels, mais pas d’objectifs sportifs, sa pratique passant après tout le reste. Il témoigne faire moins de vélo qu’avant et que ces enfants lui prennent beaucoup de temps.
Observations d’une diminution de la “performance”
Clément à l’habitude, chaque année depuis 15 ans, de se “tester” sur un segment d’une trentaine de kilomètres chronométrés. Son record date d’il y a 10 ans et ses temps augmentent à chaque fois (diminution de la “performance”) pour des raisons évidentes explicités ci-dessus. On notera que c’est un “test terrain”, fait en plein air, mais qu’aucun facteurs environnementaux ne sont pris en compte ou détaillés. Ces derniers influencent pourtant la performance (force et sens du vent, pression des pneus, …) sans parler de l’état de forme, des phases pré-tests, de l’échauffement, …
Fixation d’objectif
Face à ce constat et les années passant, Clément s’est fixé pour la première fois un objectif sportif, celui de battre son record et, fatalement, atteindre de nouveaux ses “performances” d’il y a 10 ans.
Création et suivi de moyens pour atteindre son objectif
Pour y arriver, Clément s’appuie sur l’IA pour lui proposer un plan d’entraînement.
L’objectif : prévoir des séances d’entraînements spécifiques dans une suite réfléchie, progressive, adaptée à lui et logique sur une période donnée afin d’atteindre son objectif : Être plus performant sur un segment spécifique en 2 mois. Pour y parvenir, on lui propose de combiner course à pied, vélo et renforcement répartis sur 7-8h/semaine.
Une planification est individuelle et spécifique, mais également évolutive ! En fonction des résultats, de l’humeur, de la réaction du corps aux différents stimuli, de la récupération, … on doit ajuster la proposition. Le corps évolue chaque jour, l’entraînement doit suivre ce rythme aussi. Que ce soit fait par l’IA ou par l’Homme, une planification d’entraînement doit respecter tous ces aspects.
Évidemment, certains aspects ne peuvent être ajustés. Ils forment la base de l’entraînement et de la planification. Il témoigne : “Je me sentais bien donc j’ai poussé un peu plus vite […]. Je sentais pas de fatigue particulière, ça s’est bien passé la sortie […]. Il avait bien raison, le lendemain lorsque j’ai tenté de faire ma séance qui était prévue, bah, j’avais mal aux jambes et du coup j’ai eu du mal à tenir la session”.
Clément est donc passé d’une pratique loisir à des entraînements en ayant un but précis et une deadline en tête. On n’abordera pas ici les concepts de psychologie, de conditionnement et de préparation mentale, mais cet état mental change tout.
Cette situation l’entraine visiblement à acheter un Home Trainer pour continuer ces sessions de vélo même lorsqu’il ne fait pas beau. Chose qu’il ne faisait pas avant.
Résultats
En amont de son test, il ressentait déjà une différence sur la course à pied et dans la vie de tous les jours. Sans surprises, il égale son record, son témoignage démontrant un état de motivation avancé et qu’il s’est fortement dépassé !
Globalement, il a évidemment progressé, mais ça ne peut être dû qu’à l’utilisation de l’IA. Il a surtout :
- Défini un objectif réalisable
- Défini une date à laquelle il devait réaliser cet objectif
- Commencé à s’entraîner plutôt que de juste rouler
- Structuré et planifié en amont ses entraînements
- Pris en compte sa fatigue physiologique et psychologique et a adapté ses entraînements
- S’est conditionné mentalement à réussir
Il dit lui-même avoir “été rassuré d’avoir un cadre, une proposition de plan d’entrainement, d’avoir des recommandations d’entraînement […] en fonction des différentes phases d’entrainement. C’est surtout le fait d’avoir quelqu’un qui me suit […] et un cadre pour faire mes entraînements”.
Nous restons cependant un peu sur notre faim, nous aurions aimé avoir tous les temps afin de mieux se rendre compte de l’évolution. Tout ce que l’on sait, c’est qu’il était à systématiquement au moins 2 min de plus que sont record lors de ces essais.
Conclusion
Ce qui ne marche pas ou peu
- S’entraîner sans objectif précis permettra au mieux de vous maintenir, mais c’est tout.
- Négliger ou ne pas respecter la planification, ne pas prendre en compte tout le contexte dans lequel vous évoluez vous fera au mieux progresser, mais pas à la hauteur des efforts que vous fournissez.
- Rouler trop vite tout le temps empêche votre corps de s’adapter
- Rouler tranquillement tout le temps, limite les adaptations faites par votre corps à certaines plages seulement
- Ne pas prendre en compte la récupération dans votre entraînement peut transformer une superbe planification en descente aux enfers
- Reproduire la planification de quelqu’un d’autre ou une générique qu’on trouve sur internet
- Rouler tout le temps à l’allure des autres dans un groupe
- Rouler et s’entraîner uniquement à la sensation
- Mettre de la data partout, sans savoir quoi en faire et pourquoi l’utiliser
Ce qui marche
- S’appuyer sur une structure pour être conseillé, suivi et motivé
- Rouler en groupe pour se motiver
- Rouler seul pour affiner son entraînement précisément
- Prendre en compte sa récup dans sa planification (et oui, on planifie des sessions de récupération !!!)
- Adapter les propositions d’entraînements aux stimuli subis et les mesurés dans le temps
Réponse à certains commentaires de la vidéo
- “l’IA n’a jamais posé son C… sur un vélo !! moi : oui !!”
Ce genre de commentaire ne se retrouve malheureusement pas que pour l’IA. Certains jugent nécessaire d’avoir fait le Tour de France pour pouvoir entrainer correctement à vélo, gage selon eux de connaissances et d’expertise. Mais le temps que le sportif s’entraine est utilisé par l’entraîneur pour se documenter, planifier, organiser,… Être bon sportif ne témoigne pas de compétences à bien entraîner.
Avez-vous déjà vu un maître nageur, lui-même nager pour vous expliquer ?
L’objectif de l’entraîneur, vous analysez d’un regard extérieur et neutre afin de vous conseiller, vous aider à prendre du recul et vous soutenir chaque jour, trouvant des solutions qui seront les bonnes pour vous.
- “chatGPT fait la même chose incroyablement bien”
Et bien … Non, pas en l’utilisant seul ! Pour la simple raison que ChatGPT n’a pas été entraîné et conceptualisé pour faire ça. Il n’a d’ailleurs pas accès à tout le contexte qu’un entraîneur a besoin ou observe sur terrain pour faire une planification et ses adaptations. Par exemple, demandez à ChatGPT “Fais moi un programme d’entraînement me permettant de gagner mes courses de vélo en 2 mois”. Nous nous retrouvons donc avec un programme miracle comprenant uniquement du vélo à 10h semaine où tout est mélangé et surtout pas individualisé. Par exemple, il n’y a pas de renfo ou course à pied, indispensable au développement d’un compétiteur équilibré, permettant entre autres la prévention, comme pour les nageurs, de l’ostéoporose (densité minérale osseuse faible liée à la nature du cyclisme et de la nage). De plus, cette proposition n’est pas adaptée à une discipline du cyclisme en particulier (Route/XC/BMX/TRIAL…) et ne prend pas en compte votre expérience, votre âge, vos limitations, vos pathologies…
Bref ça nous conforte au possible, mais de mon côté, je ne pense raisonnablement pas être capable de battre POGACAR en 2 mois.
Et l’IA dans tout ça ?
L’IA est un outil comme un autre. Elle doit être utilisée dans le contexte où elle a été conçue. Avez-vous déjà essayé de couper une planche en bois avec une pioche ? Ça marchera, mais au prix de quels efforts et pas aussi bien qu’une scie. Et même en utilisant une scie, vous ne le ferez pas aussi bien qu’un artisan qui à la technique de coupe et pratique son métier depuis 10 ans.
Par contre, en l’utilisant, on se force à mettre à jour nos connaissances qui sont souvent dépassées, car la science à évoluée ou parce que nous n’avons pas la même culture que d’autres pays. En 1999, Tudor O Bompa sortait la première édition d’un livre sur la planification de l’entraînement synthétisant déjà les concepts scientifiques de l’entraînement dont la périodisation, la gestion de la charge d’entraînement, l’adaptation et l’individualisation des entraînements, … qu’on ne retrouve pas dans toutes les propositions de planification aujourd’hui que l’on peut retrouver sur internet. Ce livre en est à la 6ème édition (parue en 2019) témoignant également de l’évolution des pratiques.
Cependant, lorsque vous utilisez l’IA, il faut faire attention aux faux positifs ! Vrai ou pas, l’IA est entraînée pour vous donner de bonnes réponses. Elle commencera souvent par vous dire par exemple “Oui bien sûr, …” même si la réponse est erronée ou non attendue. Par exemple, sans donner de contexte, 5+7 donnait à une époque 57, Abraham Lincoln avait fendu en deux un T-REX lors de la Bataille de Gettysburg et le mont Everest se trouvaient au Grand Canyon aux États-Unis. Bien évidemment, les réponses se sont ajustées avec le temps et la connaissance globale mais sur des sujets très spécifiques, vous pourriez être surpris !
Le mot de la fin
L’IA reste un outil support, conçu par des humains et reposant sur leur savoir à un instant T. Elle ne remplacera pas (pour le moment) l’expertise humaine de l’entraîneur passionné qui est au contact physique de ses sportifs. Et oui, même sans nous le dire, on essaye et souvent arrivent à ressentir (si ce n’est pas mesuré) quand vous êtes fatigué, que ça ne va pas, quand vous êtes prêts à vous dépasser et quand il ne faut pas insister. Cette relation si spéciale qui se forme entre un entraîneur et un entraîné, relève de sciences humaines pas encore synthétisables dans un téléphone qui ne prendra que ce que vous voulez lui dire. Ces raisons sont aussi valables pour les plan d’entraînement commandés sur internet avec des “entraîneurs” plus ou moins diplômés que vous ne verrez jamais.
Morale de l’histoire, venez pratiquer en club et faites vous accompagner physiquement par des professionnels du club pour atteindre vos objectifs les plus simples ou les plus fous !